APPEL COMME D’ABUS

APPEL COMME D’ABUS
APPEL COMME D’ABUS

APPEL COMME D’ABUS

Voie tendant à la cassation ou à l’annulation d’une décision abusive d’une juridiction sortant du domaine de sa compétence, l’appel comme d’abus est un procédé de droit employé par la royauté dans sa lutte pour assurer la suprématie du pouvoir juridictionnel, à l’encontre des juridictions ecclésiastiques, au même titre que la saisie du temporel et que le système des cas privilégiés. Apparu assez tardivement dans l’Ancien Régime, il prend, dès le début de son application, à la suite de l’affaire de la pragmatique sanction de Bourges de 1438, une très grande extension et, très rapidement, devient pour le pouvoir royal un moyen d’une efficacité certaine pour amoindrir l’autorité et la combativité des juridictions ecclésiastiques, particulièrement au moment de l’affaire des libertés gallicanes.

Cette forme d’appel trouve son fondement dans la nécessité de maintenir chaque ordre de juridiction dans le domaine qui lui a été réservé; toutefois, la pratique démontre que l’appel comme d’abus joue dans une proportion bien plus importante en faveur des juridictions laïques. Les auteurs l’expliquaient et le justifiaient en disposant que les juridictions laïques étant les juridictions de droit commun, il était normal qu’elles agissent dans toutes les affaires, y compris celles où étaient impliqués des ecclésiastiques, libre pour les juridictions ecclésiastiques, véritables juridictions d’exception, de revendiquer celles pour lesquelles elles s’estimaient être compétentes, et à charge pour le parlement de trancher le litige en décidant laquelle de ces deux juridictions devait emporter la connaissance de l’affaire.

En fait, il ne fut jamais possible à la justice ecclésiastique, faute d’organisation, de personnel, d’une solide assiette territoriale, de s’élever contre les ingérences que pouvaient commettre les juridictions royales à leur égard. La lutte pour la conquête du monopole de la justice était si âpre, du côté du pouvoir royal, qu’il était bien connu qu’un individu qui contestait une décision ecclésiastique voyait son affaire étudiée avec beaucoup de bienveillance par les juridictions laïques, et l’on vit bientôt couramment des ecclésiastiques de tous rangs interjeter appel comme d’abus.

L’appel comme d’abus ne pouvait, au regard des décisions rendues par les juridictions ecclésiastiques, être considéré que comme une voie de recours extraordinaire. Mais une telle limitation ne devait pas leurrer: il n’en demeurait pas moins vrai, en effet, que seuls les parlements pouvaient connaître des affaires soumises par la voie de l’appel comme d’abus, que cet appel avait un effet suspensif, qu’il pouvait être interjeté en tout état de cause, sans que l’individu qui interjette l’appel ne soit jamais forclos en son appel et qu’enfin il était possible d’interjeter appel comme d’abus de toutes sortes de jugements.

L’appel comme d’abus était, comme le décrit Muyart de Vouglans, ouvert chaque fois qu’il y avait prétendue violation des anciens canons de l’Église, des ordonnances, des concordats, des édits, des déclarations royales, des arrêts de règlement des cours supérieurs, et surtout lorsqu’il y avait atteinte aux libertés de l’Église gallicane. La voie était ouverte s’agissant de la violation d’une règle de compétence ratione personae ou ratione materiae . En fait, l’appel comme d’abus put être reçu chaque fois qu’il y avait «entreprise du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel». Bien plus, tout acte ecclésiastique pouvant être soumis à l’appel comme d’abus, le pouvoir royal s’arrogea vite le droit d’annuler purement et simplement de véritables actes administratifs émanant de la puissance ecclésiastique; l’appel comme d’abus en arriva pratiquement à perdre son caractère de voie de cassation et d’annulation pour devenir une véritable voie d’appel simple.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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